« L’école et la Résistance, des jours sombres aux lendemains de la Libération ». Tel était le thème 2022-2023 du Concours National de la Résistance et de la Déportation. Le lycée Anguier a participé cette année à ce concours prestigieux. Mmes Ariane Guézouli, professeure agrégée d’histoire géographie, et Anne Andreucci, professeure documentaliste, y ont en effet inscrit les élèves de la classe de Seconde 3. Ce projet faisant réfléchir les élèves sur la période de l’Occupation en France s’insérait parfaitement dans la thématique de la liberté, inscrite au programme d’éducation morale et civique de seconde.
Pour préparer le concours, les élèves ont eu la chance de pouvoir accéder à une longue interview donnée par Daniel Boutleux et sa femme, habitants de Saint Pierre en Val, qui étaient justement écoliers pendant la seconde guerre mondiale. M. Boutleux a été un témoin exceptionnel pour la classe car il raconte très bien ses souvenirs. Et, a-t-il précisé tout de suite, son grand-père, Emile Boutleux, était le maire de la commune pendant l’Occupation alors que son instituteur Pierre Friboulet était le chef de la Résistance locale. Les élèves de Seconde 3 ne pouvaient rêver meilleur témoin !
A partir des révélations faites par M. Boutleux, les élèves de Seconde 3 ont mené avec les professeures, Mmes Andreucci et Guézouli, des recherches dans le dossier de résistant de M. Friboulet, obtenu aux archives de Vincennes. Mme Guézouli a également retrouvé la fille de l’ancien instituteur qui a accepté de lui accorder un entretien téléphonique.
A partir de ces sources (interview de M. Boutleux et dossier de résistant de M. Friboulet) et d’un corpus de textes choisis par Mme Guézouli, les élèves ont travaillé par groupes autour de différentes problématiques. Ils ont ensuite partagé le fruit de leurs réflexions avec le reste de la classe, sous formes d’exposés.
Les élèves et leurs professeures ont fait une sortie à Saint Pierre en Val, le 14 mars 2023 afin de s’imprégner des lieux et de tourner des plans en extérieur pour leurs vidéos. Une visite guidée, à partir notamment de vieilles cartes postales donnant une idée de l’aspect du village dans les années 1930-1950, les a menés sur les pas de Daniel Boutleux enfant et de Pierre Friboulet, son maître d’école. Le midi, les élèves du lycée ont été accueillis à la salle des fêtes, grâce à M. Roche, le maire actuel de Saint Pierre en Val. L’après-midi a été marqué par deux moments importants : la consultation des registres de l’état-civil de l’époque avec Mme Dissard, secrétaire de mairie, et la rencontre avec les témoins, Monsieur et Madame Boutleux, très émouvante.
Bravant un vent violent et parfois la pluie, les élèves ont passé la journée entière sur site. Ils ont ainsi pu découvrir tous les lieux cités par M. Boutleux dans son témoignage, notamment la maison qui abritait la Kommandantur et tous les endroits utilisés pour faire classe, après la réquisition des écoles par les Allemands. Ceux qui le souhaitaient ont pu également se recueillir sur les tombes des trois petites filles citées par M. Boutleux dans son récit, victimes innocentes de la guerre, qui reposent dans le cimetière, près de l’église. Après le repas au chaud à la salle des fêtes, la mairie leur a ouvert ses portes pour que les élèves puissent se plonger dans les vieux registres. Enfin, point d’orgue de cette journée forte en émotion, les élèves ont pu brièvement rencontrer Daniel Boutleux et sa femme Christiane, très émus de l’intérêt que des jeunes pouvaient porter à leur histoire.
Daniel Boutleux avait mentionné en interview l’histoire tragique d’une petite fille tuée à Woincourt dans un bombardement et enterrée à Saint-Pierre-en-Val, au moment de l’exode. Ce drame avait beaucoup marqué son grand-père, le maire, et l’avait décidé à décréter la fermeture des écoles et le départ des habitants. Grâce à Mme Dissard et sa collègue de la mairie, Mme Andreucci a pu retrouver la trace de cette petite fille dans les registres d’état-civil de 1940, à partir de la date approximative donnée par M. Boutleux. La petite fille s’appelait Germaine Dubar et elle est « morte pour la France », comme cela est précisé en marge du recueil.
Grâce à ce nom sorti de l’oubli, Mme Dissard a pu indiquer à Mme Andreucci l’emplacement de la tombe. Sur place, un petit écriteau en bois mentionnait, comme pour toutes les autres tombes abandonnées, qu’il fallait se signaler en mairie pour éviter que l’emplacement ne soit repris. Le travail des 2GT3 a donc eu pour conséquence, grâce aux recherches menées en mairie, qui ont daté précisément le décès de la petite Germaine et révélé qu’elle était « morte pour la France », de sauver la tombe de la jeune fille, qui reposera pour toujours en paix dans le cimetière.
Les élèves et leurs professeures ont ensuite travaillé leur production finale. Sur leur temps libre, les nombreux élèves volontaires ont prêté leurs voix pour la narration des deux vidéos prévues. En classe, du temps a été consacré à la réalisation des plans complémentaires à ceux tournés dans Saint-Pierre-en-Val. Les élèves doués pour le dessin ont réalisé de superbes illustrations. Tout le monde s’est mobilisé et a contribué à la réussite du projet.
Le 12 avril, un journaliste, M. Xavier Togni, a rencontré quelques-uns des élèves les plus investis dans le projet et a rédigé un long article, paru en pleine page à la fois dans Le Courrier Picard et dans Paris-Normandie, que vous pouvez consulter ci-dessus.
Le travail des élèves de Mme Guézouli a été récompensé par une place dans le palmarès départemental du Concours de la Résistance et de la Déportation. Le 5 juillet 2023, les élèves qui le pouvaient, leurs professeurs, quelques parents, et Mme Perrat, proviseure, se sont rendus à Rouen, dans les locaux de la Préfecture, pour la remise des prix des mains du sous-préfet.
Grâce à l’article de M. Togni paru dans le Courrier Picard et Paris-Normandie, le projet mené par les élèves a attiré l’attention des membres du Comité départemental des Médaillés de la Jeunesse, des Sports et de l’Engagement associatif. Ils ont décerné à la classe de Mme Guézouli le Trophée Pierre Basley pour l’année 2023. Ils ont souhaité, par ce choix, saluer le travail effectué autour du devoir de mémoire par des élèves très impliqués. Monsieur André Carpentier, président de la Commission Jeunesse et Citoyenneté, est venu pour la remise du trophée et des diplômes aux élèves. Le maire de la Ville d’Eu et son adjoint à l’éducation, ainsi que Mme Porte, proviseure, étaient également présents lors de cette belle cérémonie qui s’est déroulée le 22 septembre 2023 au lycée.
